Les enjeux ESG pour le secteur financier en 2025
Écrit par Jeremy Chenoy, 08/07/2025 • Durabilité
2025 marque un tournant décisif pour la durabilité des entreprises, notamment dans le secteur financier. À l’heure où l’UE simplifie son cadre réglementaire pour réduire les charges administratives, la pression climatique et sociétale, elle, ne faiblit pas. Dans ce contexte, le véritable enjeu pour les institutions financières n’est plus seulement de se conformer aux exigences de reporting, mais bien de passer à une transformation en profondeur de leur modèle. Jeremy Chenoy, Director Sustainability chez Deloitte Belgium, revient pour nous sur les évolutions majeures en matière de réglementation ESG, les défis de mise en œuvre au quotidien, et la trajectoire à venir.
Jeremy Chenoy, quelles évolutions réglementaires ESG récentes ou à venir vous semblent les plus impactantes pour le secteur financier ?
2025 est une année charnière pour la durabilité des entreprises. Face à une conjoncture économique incertaine et à des tensions géopolitiques croissantes, l’Union européenne cherche à alléger les contraintes tout en maintenant le cap sur ses objectifs climatiques. C’est dans ce contexte qu’intervient le Omnibus Sustainability Package, une initiative qui vise à simplifier et harmoniser les exigences de reporting.
Ce paquet législatif touche directement trois textes majeurs : la CSRD, la CSDDD et la Taxonomie européenne. L’objectif est de réduire le nombre de points de données requis et de limiter le champ d’application pour certaines entités. 2025 étant la première année de reporting pour les grandes entreprises d’intérêt public, beaucoup d’acteurs peinent encore à comprendre les implications concrètes de ces ajustements.
Le véritable défi est désormais de dépasser la simple conformité. Il s’agit d’ancrer les objectifs ESG dans une stratégie long terme, en développant des programmes de transformation, en fixant des objectifs fondés sur la science et en créant des produits innovants pour accompagner la transition vers le net zéro.
Quels pièges ou freins identifiez-vous dans la mise en œuvre des critères ESG au quotidien dans les institutions financières ?
L'intégration des exigences ESG bouleverse en profondeur les modèles opérationnels. Le premier défi est technologique : les institutions doivent améliorer leurs systèmes de données et leurs cadres de conformité pour intégrer la durabilité dans tous les aspects de leur fonctionnement.
Cela implique, par exemple, d'intégrer les risques ESG dans les calculs de risque de crédit, de marché et opérationnel, ce qui peut impacter à terme les critères d’octroi de crédit et les niveaux de fonds propres exigés.
Un autre point critique est la qualité des données. Pour progresser, les institutions explorent des sources de données externes, recourent à des outils ESG spécialisés et testent des cas d’usage de l’intelligence artificielle. Ce n’est qu’en conjuguant efficacement technologie et données que les résultats pourront être au rendez-vous.
Dans cette logique, on observe une montée en puissance des partenariats stratégiques avec des entreprises technologiques, non plus perçues comme de simples prestataires, mais comme de véritables partenaires de transformation. Ces alliances permettent de mettre en œuvre des solutions ciblées, qu’il s’agisse de collecte de données, d’analyse ESG, ou de souscription responsable.
Et à moyen terme, comment voyez-vous évoluer le cadre réglementaire ESG ?
Comme pour tout mouvement global, les agendas ESG connaissent une phase de rééquilibrage. Après une phase d’euphorie réglementaire portée par l’Accord de Paris, nous vivons aujourd’hui une période d’ajustement et de digestion. Cela ne signifie pas un recul, mais plutôt une volonté d’aligner les ambitions aux capacités réelles des institutions.
À moyen terme, les ESG vont s’imposer comme un levier stratégique : au-delà de la gestion des risques, ils deviendront moteurs de développement de produits, d’innovation, de circularité et de décarbonation.
Les institutions capables de se projeter au-delà du reporting, et de transformer ces contraintes en opportunités, disposeront d’un avantage concurrentiel certain. À condition d’agir dès maintenant, car la transition écologique et sociétale ne laisse plus de place à l’attentisme.