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L'apprentissage tout au long de la vie, un incontournable pour les métiers de la connaissance

La formule pour réussir et être heureux ? Faire ce pour quoi vous êtes "doué-e". Être "doué-e" implique en même temps de "toujours s'améliorer", de "rester à jour", de suivre de près les évolutions, de détecter les opportunités et de réagir aux changements de circonstances. L'apprentissage tout au long de la vie...

Parce que nous pouvons apprendre beaucoup les uns des autres, Fintalent souhaite élargir ses horizons dans les mois à venir. Ainsi, nous discutons avec d’autres professionnels de la connaissance, des entreprises extérieures au secteur bancaire, et nous nous inspirons de la manière dont les uns et les autres abordent la question de l'apprentissage tout au long de la vie.

Decostere Accountancy fournit des conseils aux entreprises sur des questions financières, commerciales, juridiques et fiscales. Au fil du temps, la société est passée d'un simple cabinet comptable à un cabinet de conseil complet comptant aujourd'hui une centaine de collaborateur‑rice‑s et proposant également d'autres services tels que la gestion des salaires, les réorganisations et la planification patrimoniale et successorale. Nous nous entretenons avec Steve Dupont, COO chez Decostere Accountancy.

Ces dernières années, Decostere s'est déjà métamorphosé en un prestataire de services complets pour les entreprises et continue à formuler des projets ambitieux pour l'avenir. Quel impact cela a-t-il sur votre politique d’apprentissage et de formation ?

Notre politique d’apprentissage et de formation est guidée par la mission et la vision de Decostere. Pour nous, "enthousiasme", "professionnalisme" et "esprit d'entreprise", entre autres, sont le fil rouge à travers toutes nos activités.

Nous rendons ces valeurs très concrètes, par exemple en encourageant nos collaborateur-rice-s à obtenir leur titre professionnel. L'obtention d'une qualification professionnelle est un processus qui peut prendre jusqu'à cinq ans (incluant la phase préliminaire) et qui exige des efforts considérables de notre part et de celle de nos collaborateur-rice-s. Cela montre que chez Decostere, nous considérons que la formation, et par extension le concept d'"apprentissage tout au long de la vie", est essentiel.

La communication quotidienne est aussi extrêmement importante du point de vue de l’apprentissage et de la formation. Lorsqu'ils/elles se connectent à notre intranet, les collaborateur-rice-s n'ont pas seulement l'occasion de découvrir des faits divers sympas, nous leur fournissons aussi constamment des informations utiles et immédiatement applicables dans la pratique. Par ex. des mises à jour de logiciels, un aperçu des nouveautés en matière de législation et de fiscalité, des conseils auxquels songer lors de discussions avec les client-e-s. En d'autres termes, toutes nos informations et initiatives véhiculent un flux sous-jacent d'apprentissage et de progression.

Plus votre organisation devient complexe - et plus vos objectifs sont ambitieux -, plus vous avez besoin de personnes qui non seulement maîtrisent les aspects techniques de l'activité, mais que le facteur humain interpelle également.

Que pense votre direction de l’apprentissage et de la formation ?

La prestation de services, c’est d’abord et avant tout le travail de personnes et notre direction en a parfaitement conscience. Pour reprendre une boutade de notre CEO à ce sujet : "S’il y a un problème avec un meuble, on en installe un autre le lendemain. Mais si nos collaborateur-rice-s ne se sentent plus bien, alors nous avons vraiment un problème, car leurs connaissances sont notre atout et ce sont eux et elles qui font toute la différence". C'est pourquoi Decostere s'efforce non seulement d'attirer des personnes hautement qualifiées, mais aussi de leur procurer tous les outils dont elles ont besoin pour continuer à évoluer, à apprendre et à se fabriquer une carrière enviable.

A cet égard, il ne faut pas sous-estime l'importance des managers, il me semble. Travaillez-vous activement au développement du leadership ?

Absolument ! Plus votre organisation devient complexe - et plus vos objectifs sont ambitieux -, plus vous avez besoin de personnes qui non seulement maîtrisent les aspects techniques de l'activité, mais que le facteur humain interpelle également. On attend d'un bon manager qu'il soit aussi un véritable "coach" pour son équipe. Chaque manager chez Decostere suit donc un cours de soft skills sur la collaboration et la communication, par exemple.

Plus généralement, nous proposons à nos collaborateur-rice-s un éventail de formations en fonction des choix de carrière effectués, des compétences déjà acquises et des intérêts personnels. Car nous ne croyons pas en une politique de RH à taille unique, où tout le monde suivrait le même trajet. Nous avons un certain nombre de normes mais nous différencions notre offre afin que chacun-e puisse se sentir stimulé-e et mis-e au défi en permanence.

Pour être honnête, tout tourne souvent autour d'une recherche : comment répondre au mieux au choix individuel de chaque collaborateur-rice ?

L'apprentissage individuel

C'est également ce que nous observons dans le secteur bancaire. Malgré des parcours calibrés, l'apprentissage devient plus individuel.

Nous en avons bien conscience. Je ne pense pas que tout le monde apprenne de la même manière, notamment en raison des différentes générations présentes sur le lieu de travail, du parcours de chacun-e et de ses centres d'intérêt. Nous proposons donc différentes formes d'apprentissage au sein de notre organisation. Cela peut aller d'un cours traditionnel en classe à un mentorat sur le lieu de travail. Il y a aussi la "Decostere Academy" en ligne, une plate-forme qui propose des formations spécifiques au secteur accessibles à tou-te-s nos collaborateur-rice-s. Ces formations consistent souvent en de courts webinaires de quelques minutes seulement. Vous les suivez à votre propre rythme. Ensuite, vous pouvez répondre à quelques questions ou choisir de résoudre un cas particulier.

Cela permet à chaque collaborateur-rice d'apprendre quand il ou elle le peut et où il ou elle le peut. C’est l'organisation qui s'adapte au ou à la collaborateur-rice et non l'inverse, et pour moi, c'est l'essentiel.

Par exemple, pour la génération actuelle de (jeunes) collaborateur-rice-s, l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée est extrêmement important. Je constate que nos jeunes employé-e-s aiment apprendre et apprennent beaucoup. Ils/elles sont certes incité-e-s à se développer, mais plus au détriment de leur vie privée. C’est pourquoi, en tant qu'organisation, il faut veiller à offrir des formes d'apprentissage qui leur permettent de combiner apprentissage et vie privée. Nos statistiques confirment que nos collaborateur-rice-s les plus jeunes suivent la plupart de leurs formations via la plate-forme d'apprentissage en ligne. (rires) Il peut arriver qu'ils/elles assistent à un webinaire entre une heure et trois heures du matin, mais ils/elles y ont assisté ! Les employé-e-s plus âgé-e-s sont plus susceptibles de suivre des cours de formation externes en classe.

D'une manière générale, tout le monde aime apprendre, quels que soient l'âge, le genre, la génération ou le milieu. Les gens sont naturellement curieux et donc désireux d'apprendre, mais à leur manière. Je tiens à souligner une fois de plus que ce ne sont pas les collaborateur-rice-s qui doivent s'adapter en matière d'apprentissage. Une organisation de connaissances comme la nôtre a tout intérêt à s'adapter à leurs attentes et à veiller à avoir un éventail d’offres d'apprentissage et de développement à présenter à chacun-e.

Au début de notre entretien, vous avez parlé de l'évolution d’une organisation, qui est passée d'une majorité de fonctions opérationnelles à un nombre croissant de collaborateur-rice-s ayant des rôles de conseil. Cette évolution se traduit-elle également par des trajets d'amélioration ou de renouvellement des compétences ?

Dans le cadre de notre politique de RH, nous abordons cette évolution de deux manières. En termes de sélection et de recrutement, nous recherchons principalement des personnes qui répondent aux attentes actuelles du poste. Par ailleurs, je ne peux plus adapter la politique d'il y a 20 ans. Certain-e-s de nos collègues ont été recruté-e-s avec des attentes différentes à l'époque et pourraient maintenant idéalement évoluer vers un rôle plus consultatif. Nous cherchons donc à savoir si ces collègues peuvent et veulent faire la transition. Nous entamons ensuite un processus de perfectionnement ou de reconversion avec eux/elles. Ceux/celles qui ne peuvent ou ne veulent pas franchir le pas du changement se voient attribuer un rôle approprié au sein de notre organisation. Ils ont grandi avec notre entreprise au fil des ans et possèdent donc une expérience précieuse qui peut être utilisée pour compléter l'image globale pour les client-e-s.

Comment abordez-vous cette reconversion chez Decostere ?

Alors que les dossiers étaient auparavant traités individuellement, nous avons évolué vers une structure basée sur des équipes. Un portefeuille est désormais attribué à une équipe et non plus à une seule personne. Cela présente l'avantage de permettre une permutation des tâches au sein de l'équipe pour mieux utiliser les forces des collègues. Par exemple, un-e collaborateur-rice peut être moins doué-e pour passer des appels aux client-e-s, alors que ce peut être le point fort d'un-e autre membre de l'équipe. Ce dernier/cette dernière peut alors reprendre cette tâche du/de la premier-ère.

La clé est de constituer des équipes complémentaires, d'être conscient-e des pièges pour chacun-e et de la façon de les éviter. Nous essayons de créer des équipes au sein desquelles chacun-e peut être lui/elle-même, tout en étant mis-e au défi d'apprendre les un-e-s des autres. Une forme de jobcrafting ou de teamcrafting.

Un autre défi tient au fait que nos client-e-s attendent de plus en plus de nous que nous les conseillions dans d'autres domaines : questions juridiques, RH, salaires. C'est souvent un pas trop loin pour beaucoup de nos collaborateur-rice-s. Aussi ne sont-ils/elles pas immédiatement enclin-e-s à commencer à parler de ces sujets. Nous sommes actuellement en train d’œuvrer à cette évolution. Ce n'est assurément pas aisé, et nous aussi, nous continuons à batailler avec cette question.

Dans le secteur bancaire, il existe d’importants écarts de compétences concernant le "numérique", et tout ce qui relève de cette notion.

Nous partageons cette expérience chez Decostere. Au départ, nous avons essayé de résoudre ce problème avec un service d'assistance central où les collègues pouvaient poser leurs questions sur les logiciels, etc. Cependant, cela n'a pas été un succès. Il est vite apparu que les collaborateur-rice-s étaient plus enclin-e-s à poser leurs questions à un-e collègue avec lequel/laquelle ils ou elles avaient une relation de confiance. Nous avons changé notre approche en formant certain-e-s collègues afin qu’ils/elles deviennent utilisateur-rice-s expert-e-s. Dans la pratique quotidienne, ces "spécialistes" assistent simplement leurs collègues moins familiarisé-e-s avec le numérique. Pas pour prendre en charge leur travail, mais pour les guider. Et cela fonctionne très bien.

On note également chez nous un écart important en termes de compétences commerciales. Nous nous efforçons de résoudre ce problème par une combinaison de recrutement et de formation. Vous ne pouvez pas avoir l'un sans l'autre. Si vous optez uniquement pour la formation, il vous faudra des années avant d'en récolter les fruits sur le terrain. Il est donc important d’amener cette expertise dans l’entreprise. Cela inspire les collègues et les soutient dans leur propre processus d'apprentissage. Cela demande vraiment un effort quotidien pour transformer petit à petit votre organisation.

​​​​​​​Future

Quels sont les défis que vous voyez pour Decostere en termes d'apprentissage tout au long de la vie ?

L'apprentissage tout au long de la vie chez un même employeur est sous pression. Songez aussi à la "big resignation ", au "quiet quitting". Compte tenu de leur rareté sur le marché du travail, les employé-e-s en Belgique sont actuellement dans une position de négociation forte. Cette tendance n'a éclos que très récemment. Avant, les gens optaient pour la croissance au sein de l'organisation, pour l'apprentissage. Cette situation est aujourd'hui menacée par l'inflation et l'augmentation des charges des ménages. Ainsi, lorsque les gens prennent certaines décisions en raison de la situation économique, à moyen terme, cela exerce également une pression sur leur propre parcours d'apprentissage. Selon moi, on ne commence vraiment à apprendre que lorsqu'on s'engage à moyen terme et qu'on s'engage dans une trajectoire d'apprentissage. Si vous vous arrêtez à mi-chemin de ce trajet, cela n’est pas profitable au parcours global.

Ce n'est certainement pas un problème facile à résoudre. Nous ne sommes pas encore sûr-e-s de la manière dont nous allons devoir nous y prendre, tous les conseils sont les bienvenus ! (rires) Jouer le jeu de la surenchère salariale nous coûtera cher à long terme. Nous nous concentrons donc principalement sur notre image de marque en tant qu'employeur. Le fait est qu’au fur et à mesure que les offres des entreprises concurrentes/collègues deviennent attrayantes, vous vous heurtez, en tant qu’employeur, à vos propres limites, même si vous avez une image de marque parfaite.

Merci Steve de partager avec nous votre vision de l'apprentissage tout au long de la vie, c’est extrêmement intéressant. Pour conclure, une dernière question peut-être : comment voyez-vous l'évolution de votre secteur par rapport à celle que connaissent actuellement les banques ? Les banques doivent-elles s'attendre à la concurrence des cabinets comptables full service ? Dans le domaine de la planification patrimoniale, par exemple ?

(rires) Nous avons évolué au départ de notre socle de base, la comptabilité. Quatre-vingts pour cent de nos collaborateur-rice-s sont des comptables ayant une solide formation technique et financière. Cela crée la confiance, et la confiance dans notre personnel a donné lieu à d'autres questions de la part de la clientèle, par exemple sur les fusions et scissions et la planification successorale. En ce sens, nous avons évolué vers les banques, ou plutôt, nous connaissons une évolution comparable.

En outre, je pense que tout le secteur, des banques aux avocats, en passant par les courtiers d'assurance, les secrétariats sociaux et les cabinets comptables, est en train de se consolider. Les client-e-s recherchent un guichet unique, un prestataire de services capable de leur offrir un ensemble complet.

La numérisation est l’un des aspects de cette évolution; les services financiers et connexes doivent pouvoir se présenter de manière aussi conviviale que possible tout en offrant une rapidité maximale. Par ailleurs, la relation de confiance est de plus en plus importante. En tant que conseiller-ère, vous devez être disponible lorsque le ou la client-e en a besoin. Je suis pour ma part convaincu que nous avons un grand rôle à jouer à ce niveau.

Merci encore et bonne chance pour vos projets futurs !